La campagne d’Érythrée est la première participation des forces françaises libres aux combats contre les forces de l’Axe.

Cette campagne va être marquée par la bataille de Keren (ou Cheren) qui oppose les armées britannique et italienne autour de la ville entre le 2 février et le 27 mars 1941, cette dernière date marquant la première victoire de la Brigade Française libre d’Orient, future 1ère Division Française Libre.

C’est également au cours de ces combats que le capitaine Laurent-Champrosay sera à l’origine du premier fait d’armes de l’embryon du RA FFL.

Avis au lecteur

Afin de faciliter la lecture du récit de cette bataille méconnue, le choix a été fait de le découper en 4 parties.

En fonction du centre d’intérêt du lecteur, plusieurs options s’offrent à lui :

– Lecteur intéressé par cette bataille méconnue et qui souhaite avoir une vision globale du théâtre : parties 1 à 4
– Lecteur uniquement intéressé par la bataille de Keren : parties 3 et 4
– Lecteur uniquement intéressé par les faits d’armes de la BFO et du RA FFL durant la bataille de Keren : partie 4

Cliquez sur la partie qui correspond à votre choix de lecture !

1 – La France Libre à la fin de l’année 1940

A la suite de son appel du 18 juin, le général de Gaulle entreprend d’utiliser les positions françaises en Afrique pour reconstituer une force armée afin de participer à la libération de la France. Début juillet 1940, la quasi-totalité des colonies sont prêtes à le rejoindre, mais l’attaque de Mers el Kebir du 3 au 6 juillet va déclencher un vaste mouvement de rejet des Britanniques ce qui va contrarier le mouvement général de ralliement au général de Gaulle. Néanmoins, l’occasion se présente le 26 août 1940 avec le ralliement de Félix Eboué, gouverneur du Tchad. En 3 jours, la quasi-totalité de l’Afrique Équatoriale Française bascule pour la France Libre. Le Tchad le 27 août, le Congo le 28 août et le Cameroun le 29 août.

Afin de rallier l’Afrique Occidentale Française, le général de Gaulle constitue le corps expéditionnaire français libre à partir des hommes l’ayant rejoint à Londres. Il est composé de 1 500 hommes de la 13ème DBLE, du 1er bataillon de fusiliers marins, d’une section d’artillerie du futur RA FFL ainsi que de quelques éléments du génie, du train, du service de santé et de l’intendance.

Malgré l’échec de l’opération Menace et du débarquement de Dakar du 23 au 25 septembre, le corps expéditionnaire français libre rejoint Douala en octobre. Il est aussitôt engagé en opération afin de rallier par la force le Gabon qui tombe le 11 novembre.

Une fois la totalité de l’Afrique Équatoriale Française ralliée, l’intention du général de Gaulle est d’ouvrir un théâtre d’opérations saharien aux confins du Tchad et de la Libye, avec l’idée qu’une colonne française pourra un jour s’emparer du Fezzan et, de là, déboucher vers la Méditerranée. Ce sera le rôle dévolu à la colonne Leclerc.

En attendant de pouvoir réaliser ce projet, il décide d’envoyer en Afrique orientale le corps expéditionnaire transformé en Brigade Française libre d’Orient pour participer aux opérations engagées par les Britanniques.

2 – Les empires coloniaux en Afrique

L’Afrique constitue donc la base de départ de la reconquête pour les alliés. Il est donc utile de réaliser un rapide panorama des empires coloniaux sur ce continent.

Le Portugal et l’Espagne ayant choisi de rester neutre durant la seconde guerre mondiale, leurs empires africains ne sont pas abordés.

Empire colonial italien

Ce n’est qu’à partir du milieu du XIXème siècle que l’Italie manifeste des ambitions coloniales. Ses vues d’expansion se tournent d’abord vers la Tunisie – d’où elle est évincée par la France en 1881 – puis vers la rive occidentale de la mer Rouge. Après avoir acheté les territoires de la baie d’Assab à la société privée de navigation Rubattino en 1882, elle occupe Massaoua en 1885 mais subit à Dogali en janvier 1887 une grave défaite infligée à ses troupes par le ras Alula, vassal du négus d’Abyssinie.

Cependant, elle se fait reconnaître par Ménélik la possession de l’Érythrée avec le traité d’Uccialli du 2 mai 1889 et céder par les sultans d’Obbia et de Midjoiten une vaste portion de la côte des Somalis, qui forme la Somalie italienne. Elle échoue cependant à étendre son emprise sur l’Ethiopie suite à la défaite d’Adoua en mars 1896.

Après l’échec de son expansion en Éthiopie, elle se tourne vers l’Afrique du Nord et la Méditerranée orientale. A l’issue d’un conflit avec l’Empire ottoman, elle obtient, en Libye, la Tripolitaine et la Cyrénaïque par le traité d’Ouchy du 18
octobre 1912, mais doit évacuer les îles du Dodécanèse, qu’elle récupérera lors des accords de Londres en avril 1915.

Après son accession au pouvoir en 1922, Mussolini veut relancer le projet d’un empire colonial afin de rivaliser avec les grandes puissances européennes. Les troupes italiennes, lancent leur attaque contre l’Ethiopie le 3 octobre 1935. Après une campagne difficile et la chute d’Addis-Abeba le 5 mai 1936, l’empereur Hailé Sélassié doit quitter son pays. Mussolini proclame l’annexion de l’Ethiopie le 9 mai 1936 et Victor-Emmanuel III est proclamé empereur d’Éthiopie. Le bloc Erythrée, Ethiopie et Somalie italienne constitue alors l’Afrique Orientale Italienne.

A la veille de la seconde guerre mondiale, Mussolini ambitionne d’étendre son empire colonial en envahissant l’Egypte, le Soudan, Djibouti et la Tunisie. C’est l’une des raisons qui entraine la déclaration de guerre du 10 juin 1940 contre le Royaume-Uni et la France. Il dispose de plus de 500 000 hommes dont la moitié sont déployés en Libye.

Empire colonial français

Si les implantations françaises en Afrique sont longtemps restées des comptoirs, les premières possessions territoriales remontent à 1830 avec la conquête de ce qui deviendra l’Algérie puis avec l’implantation au Maroc à compter de 1844. C’est l’occasion de constituer l’Armée d’Afrique à partir des unités de zouaves (1830), de la légion étrangère (1831), des chasseurs d’Afrique (1831), des tirailleurs algériens (1841) et des spahis (1843). La Tunisie ne sera conquise qu’en 1881 et viendra finaliser la conquête de l’Afrique du Nord.

La conquête de l’Afrique saharienne et sub-saharienne ne débute qu’à partir de 1859, avec l’expansion à partir des comptoirs du Sénégal sur la côte occidentale. Cette colonisation est principalement confiée aux troupes de la marine. Le territoire de Djibouti passe sous pavillon français le 19 mai 1862 et devient la Côte Française des Somalis (CFS). Mais la véritable colonisation par la France va débuter le 26 février 1885 date de la conférence de Berlin qui entérine le partage de l’Afrique par les nations européennes. L’Afrique Occidentale Française (AOF) est créée en 1895, tandis que l’Afrique Equatoriale Française (AEF) ne prend naissance qu’en 1910. Entretemps, Madagascar sera colonisée en 1897.

A l’entrée de la seconde guerre mondiale, la France dispose de 300 000 hommes en Afrique du Nord et moins de 180 000 hommes pour le reste de l’Afrique. Plus précisément, 122 000 en AOF, 15 000 en AEF, 34 000 à Madagascar et 7 900 en CFS.

Empire colonial britannique

Initialement orienté vers les Amériques et l’Asie, le Royaume-Uni va commencer à s’intéresser à l’Afrique plus par nécessité que par intérêt. Elle vise surtout à sécuriser les voies maritimes permettant de rejoindre l’Inde qui reste le joyau de l’empire.

La première vague de colonisation consiste donc à annexer des territoires sur la frange côtière occidentale afin de sécuriser les flux maritimes. La colonie du Cap est annexée en 1797, la Sierra Léone en 1808, la Gambie en 1816 et la Gold Coast (Ghana) en 1821. Le Nigéria ne sera placé sous protectorat britannique qu’en 1886.

Pour la partie orientale, la colonisation s’inscrit dans une compétition avec la France et l’Allemagne à partir de 1881 et sous l’impulsion de Cécil Rhodes qui souhaite réaliser une grande transversale du Cap au Caire. Initialement hostile au canal de Suez, les Britanniques comprennent rapidement l’intérêt stratégique de cet axe et font main basse sur l’Egypte en 1882 afin de sécuriser leurs approvisionnements.

En l’espace de 15 années, l’ensemble des pays entre le Cap et le Caire vont être soit colonisés, soit placés sous protectorat. Le Swaziland (Eswatini) en 1881, le Basutoland (Lesotho) en 1884, le Bechuanaland (Botswana) en 1885, la Somalie britannique en 1887, le Nyassaland (Malawi) et la Rhodésie du Nord (Zambie) en 1891, l’Ouganda en 1894, le Kenya et la Rhodésie du Sud (Zimbabwe) en 1895, le Soudan en 1899.

L’ex-colonie allemande du Tanganyika (Tanzanie) sera placée sous mandat britannique en 1919.

En juin 1940, les forces militaires britanniques en Afrique sont relativement limitées et se concentrent sur l’axe stratégique du canal de Suez au golfe d’Aden. Le général Archibald Wavell (GB), commandant en chef des forces britanniques du Proche-Orient, soit l’ensemble formé par l’Egypte, le Soudan, la Palestine, la Transjordanie, Chypre, la Somalie Britannique, Aden, l’Irak et les territoires du golfe persique, dispose de 86 000 hommes dont seulement 30 000 positionnés en Afrique Orientale. Le rapport de force est donc très défavorable aux Britanniques mais les troupes sont mieux entraînées, équipées et commandées que leurs homologues italiennes. L’appel en masse aux divisions de l’armée des Indes va permettre le renforcement de la force.

Empire colonial belge

A partir de sa création en 1830, la Belgique va développer un modeste réseau de colonies à travers le monde qui sera qualifié d’empire colonial belge par analogie avec les autres nations européennes.

La principale colonie belge est le Congo à compter de 1885, possession qui est entérinée par la conférence de Berlin, auquel viendront s’agréger en 1916 les anciennes colonies allemandes du Rwanda et de l’Urundi (Burundi).

En juin 1940, les forces militaires belges au Congo et au Rwanda comptent 40 000 hommes. Trois brigades vont être formées et constituer les Forces Belges Libres.

Empire colonial allemand

Fondé après l’unification allemande en 1871, cet empire colonial cesse d’exister à la fin de la première guerre mondiale en janvier 1922. Il est démantelé et les anciennes colonies africaines (Cameroun, Togo, Rwanda, Urundi, Tanganyika, Namibie) sont placées sous mandat de la Société des Nations de la France, du Royaume-Uni et de la Belgique. Arrivé au pouvoir en 1933, Hitler ne sera jamais tenté par l’aventure coloniale, préférant l’expansionnisme européen. Néanmoins, dans le cadre des accords de défense avec l’Italie, il constituera l’Afrika Korps qui sera déployé en Afrique du Nord.