4 – La campagne d’Erythrée
Le début de la campagne du 18 janvier au 1er février 1941
Alors que les Britanniques viennent de stopper l’avancée des forces italiennes du général Graziani en Egypte et limiter les gains territoriaux italiens en Afrique Orientale malgré une grande infériorité numérique, l’arrivée des renforts de l’armée des Indes donne l’opportunité de reprendre l’initiative.
La 4ème division d’infanterie indienne formée en 1939 avec les forces britanniques sur le territoire et qui vient de participer à l’arrêt des Italiens en Egypte est réaffectée au théâtre de l’Afrique orientale sous le commandement du général Platt. Elle est constituée des 5ème, 7ème et 11ème brigades d’infanterie indiennes et est commandée par le major général Noel Beresford-Pierce.
La 5ème division d’infanterie indienne, constituée des 9ème, 10ème et 29ème brigades d’infanterie indienne, formée en Inde est affectée à ce même théâtre fin 1940. Elle est commandée par le major général Lewis Heath.
Avec la force de défense du Soudan et d’autres bataillons soudanais cela porte l’effectif total à 51 000 hommes, ce qui permet au général Platt de lancer son offensive avec un rapport de force moins déséquilibré.
Les Britanniques pénètrent en Erythrée le 18 janvier 1941, jour de la prise de Kassala à la frontière avec le Soudan. Les 4ème et 5ème divisions d’infanterie indiennes progressent durant les deux semaines suivantes en direction de la ville fortifiée d’Agordat. La 4ème division indienne prend la route septentrionale par Sabderat, Keru et Agordat et la 5ème division indienne la route méridionale par Teseney et Barentu. Elles parcourent 160 km en 9 jours et enlèvent successivement plusieurs villes aux Italiens. Elles percent les positions italiennes dans les collines et la 4ème division prend Agordat le 1er février après 2 jours de combat tandis que la 5ème division prend Barentu le 2 février.
La bataille décisive de la campagne va alors se dérouler à Keren, ville à 100 kilomètres à l’est d’Agordat. En effet, Keren contrôle le seul col permettant d’accéder aux hauts plateaux et à Asmara et de ce fait constitue le verrou italien qu’il faut absolument détruire.
Le verrou de Keren
La ville, qui est à une altitude de 1 300 mètres, est située dans un cirque, coupé au sud-ouest par le ravin Dongolaas et au nord par le ravin Anseba. Le ravin Dongolaas est le seul passage permettant d’accéder aux hauts-plateaux érythréens depuis Agordat. La route et le chemin de fer Agordat-Asmara y passent. Ce passage facilement défendable est le point stratégique le plus important. Il est surplombé au sud-est par le fort Dologorodoc et au nord-ouest par la montagne Sanchil. Au-delà du mont Sanchil se trouvent le Brig’s Peak, le Hog’s Back puis le mont Sammana.
Une arête secondaire, l’arête 1616 qui plus tard sera nommée Cameron Ridge, surplombe la vallée et la ligne de chemin de fer au sud-ouest du Mont Sanchil. La garnison n’a pas pu construire de bunkers ou de tranchées sur les hauteurs dominant Keren en raison du sol rocheux.
Le dispositif défensif italien
Keren ne dispose pas de fortifications mais sa situation la rend facilement défendable.
Pour ce faire, les Italiens créent de nombreux obstacles face à la progression britannique, et placent en défense les meilleurs bataillons (les 10ème et 11ème bataillons de grenadiers) sur les hauteurs occidentales de Keren. Ils verrouillent ainsi les vallées que suivent les routes et les pistes venant de Kassala. Des groupes de cavalerie askaris barrent les passages. Les positions d’observation dont dispose l’artillerie italienne lui permette de bombarder les réserves aussi bien que les positions avancées alliées.
Du 1er au 6 février 1941, la garnison de Keren n’est composée que de la XIème brigade coloniale, du 11ème régiment de Grenadiers de Savoie et d’unités auxiliaires.
Toutes les troupes sont placées sous le commandement du général Nicolangelo Carnimeo.
Les combats de Keren du 1er au 14 février
Le 2 février les chars du 4ème Royal Tank Regiment essaient de pénétrer dans la vallée du Dongolaas. Ils sont arrêtés par les éboulements provoqués par les Italiens qui ont miné le passage.
Le 3 février, les Britanniques arrivent à s’emparer de la côte 1616 et y installent le 1st Punjab Regiment pour éviter une contre-offensive italienne.
Dans la nuit du 4 au 5 février, le 3/14th Punjab Regiment s’empare du pic Briggs mais doivent l’abandonner après la contre-attaque italienne. Les combats sont extrêmement durs et font de nombreuses victimes dans les deux camps.
Le 6 février, la 5ème brigade tente de s’emparer du col Acqua sans succès.
Le général Carnimeo complète son dispositif défensif à partir du 7 février, avec les IIème, Vème et XLIVème brigades coloniales, le bataillon alpin « Uork Amba » du 10ème régiment de Grenadiers de Savoie et d’autres unités. Outre le renforcement des défenses de la ville cela permet de compenser les nombreuses pertes humaines subies depuis le début de la bataille.
Le 8 février, la 11ème brigade reprend le pic Briggs mais échoue à s’emparer du mont Sanchil.
Après avoir renforcé la 4ème division indienne de la 29ème brigade indienne, l’assaut est relancé le 12 février mais échoue une fois de plus face au déploiement de force italien qui jette toute ses ressources dans la bataille.
Le 14 février, devant l’impossibilité de vaincre les Italiens, le général Platt décide se retirer.
Réorganisation du dispositif offensif
Après 15 jours de combats, la défense de Keren tient toujours bon. Le général Platt décide de marquer une pause opérationnelle afin de réorganiser son dispositif.
La 9ème brigade indienne vient renforcer le dispositif principal face à Keren ce qui porte les effectifs à 13 000 hommes.
Les Italiens ne sont pas en reste et complètent leur dispositif avec de nouveaux renforts. avec les VIIème et XIIème brigades en provenance de la province d’Amara en Ethiopie.
A cette date, c’est donc un dispositif imposant de 6 brigades coloniales qui assure la défense de Keren, soit un effectif estimé à 23 000 hommes.
Depuis le 10 février, le général Platt a déclenché une opération d’encerclement par le nord afin de soulager la pression italienne sur le front principal. Le général Briggs, qui était à la tête de la 7ème brigade indienne en réserve au nord de Karora, a constitué la force Briggs.