Les informations sur la seconde campagne de Madagascar étant particulièrement riches, nous vous proposons d’aller plus loin dans la connaissance de cette campagne en allant au-delà du récit traditionnel des combats.

En effet, entre la profusion d’illustrations et la problématique spécifique de l’emploi des voitures Lefebvre et de son corollaire, à savoir la nécessité de construire une route carrossable, il est apparu utile de traiter ces sujets dans des pages spécifiques.

Bonne lecture ! 

Récit de la campagne de Madagascar

L’artillerie de marine fournit 3 batteries pour constituer une partie du corps expéditionnaire de Madagascar du 23 avril au 1er octobre 1895.

La 7ème batterie de Lorient et la 8ème de Toulon sont armées par le 1er RAMa tandis que la 9ème batterie est armée par le 2ème RAMa.

Le groupe d’artillerie de marine d’Afrique et des Antilles est commandée par le chef d’escadron Henry.

La campagne en illustration

La campagne de Madagascar a fait l’objet d’une nombreuse bibliographie agrémentée d’illustrations souvent réalisées à partir de photographies prises par les journalistes qui accompagnaient le corps expéditionnaire.

Nous vous proposons une sélection des illustrations de Louis Charles Bombled parus en 1897 dans « La guerre à Madagascar, histoire anecdotique des expéditions françaises de 1885 – 1895 » par Henri Galli. la campagne résumée en 45 illustrations. 

Les voitures Lefebvre

La campagne de Madagascar a été caractérisée par l’utilisation pour la première fois en campagne des voitures Lefebvre. Nous vous proposons de découvrir ces voitures métalliques dont la mise en œuvre dans une expédition coloniale se révèlera être la cause première de l’hécatombe humaine de la campagne.

Dans les années 1880, un nommé Lefebvre invente des sortes de charrettes en aluminium qui prennent son nom : les voitures Lefebvre. Elles sont fabriquées à Paris, rue de Reuilly.

Montées sur deux roues métalliques, elles ont un poids à vide de 270 Kg, mais ont l’avantage d’être démontables. Le principal intérêt de cette voiture est de disposer d’un caisson étanche donnant une capacité de flottaison lors du franchissement des cours d’eau. La charge utile varie de 250 à 300 Kg en fonction du terrain. 

Ces voitures intéressent naturellement les armées et elles vont être utilisées au Soudan, au Dahomey et en Algérie. 

Il en existe plusieurs modèles :

– modèle à ridelles, le plus classique, avec un système de barres de fixation permettant le maintien du chargement en place.
– modèle à couvercle métallique, permettant de protéger un chargement périssable
– modèle à plate forme, permettant le transport de malades et de blessés
– modèle à réservoir, principalement pour le transport de l’eau

C’est donc assez naturellement qu’il est décidé de les utiliser pour la campagne de Madagascar malgré les avis négatifs des officiers du train qui ont l’expérience des campagnes du Tonkin et de Tunisie, terrains où les voitures ont montré leur limitations. 

Malgré cela, l’état-major commande 5040 voitures (4000 à ridelles, 1000 à couvercle et 40 à réservoir). Devant l’importance de la commande, le fabricant est incapable de l’honorer avec de l’aluminium et doit se rabattre sur de l’acier, entrainant une augmentation du poids de chaque voiture. 

Afin de les tracter, il faut envoyer 6650 mulets et 7000 convoyeurs, principalement kabyles. Ce qui alourdit considérablement le poids logistique de l’expédition, d’autant plus que les voitures arrivent avant les mulets ! Mais qui dit mulet, dit route. Or entre Majunga et Tananarive, il n’existe aucune route carrossable ! 

Dès la sortie de Majunga, le calvaire commence. Les lourdes voitures s’embourbent dans le terrain marécageux. Rapidement elles vont faire l’unanimité conter elles et seront tournées en dérision malgré les souffrances et les victimes causées par leur mise en œuvre. Les soldats identifient ainsi 276 usages de la voiture Lefebvre : baignoire, bac à fleur, bateau, gabion, guérite, etc… mais une seule fonction leur était interdite, celle de véhicule en état de circuler sur le chemin d’Andriba

La route est rapidement jonchée de débris d’équipements, de caisses défoncées, de voitures Lefebvre abandonnées et cassées et de cadavres de mulets. Leur seule réelle utilité sera de permettre le rapatriement des nombreux malades en servant d’ambulances improvisées. 

Quelques illustrations des voitures Lefebvre à Madagascar et leur emploi détourné

La construction de la route

La mise en œuvre des voitures Lefebvre, impliquait de les faire circuler sur une route carrossable. Or en 1895, il n’existe pas de route de ce type à Madagascar. Pour exécuter le plan d’opération, il est donc prévu d’en construire une.

Les plans initiaux prévoyaient d’utiliser la main d’œuvre indigènes, noire ou jaune, pour réaliser les travaux de terrassements. Mais devant l’impossibilité de recruter suffisamment de cantonniers, le commandement doit se résoudre à mettre à contribution la troupe. 

Cette décision sera funeste pour des milliers de soldats, illustrant l’adage qui veut que dans les pays chauds « celui qui creuse le sol, creuse sa tombe« . L’expérience a effet montré que les bouleversements du sol dans les terres chaudes sont toujours accompagnés et suivis d’explosion de fièvre paludéenne. L’épuisement des hommes dû à l’exécution des travaux contribuera à fragiliser leurs organismes contre les maladies. Le 200ème régiment d’infanterie et le 40ème bataillon de chasseurs seront les unités avec le plus fort taux de décès après les compagnies du génie.

La route qui devait initialement partir de Suberbieville, doit finalement être construite au départ de Majunga car la flottille qui devait servir au transport de la troupe ne peut pas être remontée en temps et en heure. C’est donc une route de près de 300 kilomètres qui doit être créé. Les travaux se déroulent en plusieurs phases :

Majunga à Marovoay, tronçon de 75 kilomètres qui traverse une zone particulièrement malsaine et marécageuses. Ce sont les 11ème, 13ème et 14ème compagnies du génie qui sont à l’œuvre. Les travaux débutent le 13 mars 1895. 

Marovoay au confluent de la Betsiboka à Marololo, tronçon de 91 kilomètres construit par le 200ème RI, le 40ème bataillon de chasseurs et le régiment d’Algérie. La zone malsaine causera de nombreuses pertes et épuisera définitivement le 40ème bataillon de chasseurs qui ne pourra plus être engagé au combat après la bataille de Tsarasaotra

Marololo à Andjiéjié, tronçon de 80 kilomètres construit par le 13ème régiment d’infanterie de marine et le régiment colonial. 

Andjiéjié à Mangasaorina, tronçon final de 62 kilomètres, Les deux brigades se partageront la tâche dans un terrain très tourmenté. 

A cela il faut ajouter la construction de 7 grands ponts, dont celui qui traverse la Betsiboka d’une longueur de 413 mètres, et 45 ponceaux. Des travaux pharaoniques qui se payeront au prix fort et feront de la campagne de Madagascar la campagne coloniale la plus meurtrière. 

Bibliographie

La campagne de Madagascar a été l’objet de nombreux écrits. Nous reprenons ici les principaux ouvrages dont la liste est loin d’être exhaustive

Madagascar 1638 – 1894 établissements français dans l’île par le capitaine de Villars, édition L. Fournier, 1912
Histoire de Madagascar par Hubert Deschamps, éditions Berge-Levrault, 1961
Madagascar – la dernière guerre franco-hova (1883 – 1885) par G Humbert, éditions Berger-Levrault, 1895
Le général Duchesne et l’expédition de Madagascar par François Benn, édition Mégard, 1896
Conquête de Madagascar (1895 – 1896) par Jules Poirier, édition Henri Carles-Lavauzelle
Rapport sur l’expédition de Madagascar par le général Duchesne, édition Berger-Levrault, 1897
La guerre à Madagascar, histoire anecdotique des expéditions françaises de 1885 – 1895 de Henri Galli, 2 volumes, édition Garnier Frères, 1897
La guerre illustrée – Madagascar par Lucien Huard, édition L. Boulanger, 1886
L’expédition de Madagascar par le docteur Edouard Hocquard, édition Hachette, 1897
Bulletin du comité de Madagascar, périodique mensuel édité de mars 1895 à 1899