La campagne de Madagascar a été caractérisée par l’utilisation pour la première fois en campagne des voitures Lefebvre. Nous vous proposons de découvrir ces voitures métalliques dont la mise en œuvre dans une expédition coloniale se révèlera être la cause première de l’hécatombe humaine de la campagne.
Dans les années 1880, un nommé Lefebvre invente des sortes de charrettes en aluminium qui prennent son nom : les voitures Lefebvre. Elles sont fabriquées à Paris, rue de Reuilly.
Montées sur deux roues métalliques, elles ont un poids à vide de 270 Kg, mais ont l’avantage d’être démontables. Le principal intérêt de cette voiture est de disposer d’un caisson étanche donnant une capacité de flottaison lors du franchissement des cours d’eau. La charge utile varie de 250 à 300 Kg en fonction du terrain.
Ces voitures intéressent naturellement les armées et elles vont être utilisées au Soudan, au Dahomey et en Algérie.
Il en existe plusieurs modèles :
– modèle à ridelles, le plus classique, avec un système de barres de fixation permettant le maintien du chargement en place.
– modèle à couvercle métallique, permettant de protéger un chargement périssable
– modèle à plate forme, permettant le transport de malades et de blessés
– modèle à réservoir, principalement pour le transport de l’eau
C’est donc assez naturellement qu’il est décidé de les utiliser pour la campagne de Madagascar malgré les avis négatifs des officiers du train qui ont l’expérience des campagnes du Tonkin et de Tunisie, terrains où les voitures ont montré leur limitations.
Malgré cela, l’état-major commande 5040 voitures (4000 à ridelles, 1000 à couvercle et 40 à réservoir). Devant l’importance de la commande, le fabricant est incapable de l’honorer avec de l’aluminium et doit se rabattre sur de l’acier, entrainant une augmentation du poids de chaque voiture.
Afin de les tracter, il faut envoyer 6650 mulets et 7000 convoyeurs, principalement kabyles. Ce qui alourdit considérablement le poids logistique de l’expédition, d’autant plus que les voitures arrivent avant les mulets ! Mais qui dit mulet, dit route. Or entre Majunga et Tananarive, il n’existe aucune route carrossable !
Dès la sortie de Majunga, le calvaire commence. Les lourdes voitures s’embourbent dans le terrain marécageux. Rapidement elles vont faire l’unanimité conter elles et seront tournées en dérision malgré les souffrances et les victimes causées par leur mise en œuvre. Les soldats identifient ainsi 276 usages de la voiture Lefebvre : baignoire, bac à fleur, bateau, gabion, guérite, etc… mais une seule fonction leur était interdite, celle de véhicule en état de circuler sur le chemin d’Andriba.
La route est rapidement jonchée de débris d’équipements, de caisses défoncées, de voitures Lefebvre abandonnées et cassées et de cadavres de mulets. Leur seule réelle utilité sera de permettre le rapatriement des nombreux malades en servant d’ambulances improvisées.
Quelques illustrations des voitures Lefebvre à Madagascar et leur emploi détourné